Le Dévoluy...

 

    Âpre terre s'il en est une dans nos Alpes déjà méridionales, terre "dénudée" plus qu'aucune autre, ainsi que l'indique étymologiquement son nom "Dévoluy".
    Ce simple nom, pour "Jeunesse et Montagne", s'auréole déjà du prestige des lieux où l'on réussit à s'imposer à une montagne rude, dure à l'homme, dans cette grande cuvette calcaire située au nord-est de Gap, parallèlement au Champsaur, dont une série de crêtes la sépare.

    Partout, des falaises : un mur presque ininterrompu isole le Dévoluy et sa vallée du reste du monde. Falaises verticales, déchiquetées, véritables forteresses dont les ruines dominent, sous la lumière crue d'un ciel déjà méditerranéen, le site le plus âpre des Préalpes : l'Obiou, le Pic de Bure, le Grand-Ferrand, Prorel, dans les proches 3000 m jalonnent ce verrou puissant.

    Peu de routes, peu de cols. L'homme a réussi à passer quand même, en suivant les gorges de la Souloise qui en dévale, ou bien en utilisant les défauts de cette cuirasse, les col du Noyer ou du Festre.

    Le 13 avril 1941, un grand événement venait ranimer la vie et 1'espérance : l'arrivée à Saint-Etienne-en-Dévoluy du Centre de la Herverie de "Jeunesse et Montagne", créé en septembre 1940 à La Morte, au-dessus de Vizille, en Isère (entre Séchilienne et Lavaldens).

     Mais le chef Da qui le commandait, cherchait l'emplacement définitif du jeune organisme qui, à la Morte, connaissait une vie étiolée, non conforme au but viril qu'on allait proposer à nos nos "jeunes" du Service National Obligatoire qui s'instituait dans les Groupements J.M.

     Le chef Ripert, chef du Groupement "Dauphiné" décida de surmonter toutes les difficultés que posait l'installation en Dévoluy : on construirait sans délai, dès 1941, dans ce pays trop pauvre pour pouvoir offrir un logement à deux cents nouveaux habitants. On relèverait des ruines où l'on bâtirait.

    Avant le dur hiver dévoluard 1942, i1 faudrait avoir, par un opiniâtre effort de bâtisseurs, gagné droit de cité parmi les Montagnards.

    Le PC du Centre comprenait trois ou quatre locaux loués pour les services (administration, santé, mulet), popote au restaurent « Chez Chaillol ».

    L'été et l'automne 1941 furent marqués par une fiévreuse activité. Entre le départ du chef Da, en début juin et son remplacement, fin juillet, par le chef Pierre Thollon, l'adjoint, René Méjean fut solide aux postes de chef de centre par intérim et de chef des travaux qui lui furent attribués pour assurer le programme des constructions. Au prix de quelles difficultés, sous le commandement des chefs de groupe Charles de Prémorel à  l'Enclus, et André Cardot, au Pré, quatre chalets furent finalement construits au cours de l'été 1941, habitables dès les premiers gros froids de fin octobre...

  • Les deux chalets du groupe Dagnaux seront bâtis au Pré et au Forest avec Cardot, chef de groupe, Lignon et Bescond chefs d'équipe. Le Général Romatet, chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air d’armistice, à Vichy, posa, 1e 14 septembre 1941, la première pierre du chalet du Pré, désormais appelé « chalet Romatet »,

  • Et les deux Chalets de l'Enclus construits par les volontaires de Charles de Prémorel, chef de groupe et Jeanvoine chef d'équipe, son adjoint, Antoine Favre, Charles Germain, instructeurs alpins

    L'hiver pouvait venir... le Centre était maintenant chez "lui".

    En 1942, l'équipe Romatet, sous le commandement d’André Huguenot chef d'équipe, assuma la construction du cinquième chalet sur un terre-plein, au-dessus de l’hôtel-restaurant "Chez Chaillol", sur la route du col du Noyer. Laurent Cretton et Clément Hugon, étaient les instructeurs alpins, Antoine Robert, le moniteur artisanal.

    Le nouveau chef de centre Raymond Leininger prenait la succession de Pierre Thollon, en août 1942, héritait de lui et de son fidèle adjoint de Casabianca qui restait solide au poste qu'il avait largement contribué à assurer, ce second programme de construction débuté en fin de printemps 1942, déjà bien avancé...

    On avait vu grand. Le Dévoluy, grâce à ces bâtisseurs, était devenu ce qu'il fut en 1943 : le centre d'une vie nouvelle, hautement formatrice des valeurs humaines.

    Mais la vie du Dévoluy ne s'est pas bornée à cet effort nécessaire. Dès le premier hiver, les équipes se relayaient en skis sur les pentes qui conduisent au Pic de Bure (par la Combe Ratin), au Col Rabiou. Dés l'été, on escaladait l'Obiou, les crêtes de Proret. On s'associait aussi aux travaux ruraux, en aidant aux récoltes.